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puisque s’évanouissait le principe de tout intérêt. Il s’engourdit vers des rêves opiacés, et jouaient sous son crâne, comme la sonaille d’un hochet, tous les textes sur la vanité des choses qu’en ses lectures il avait çà et là collectés.

L’amour, étranglé de ses mains, lui barrait le chemin : il fallait, pour aller plus loin, enjamber l’agonisé : non, il resterait en deçà et c’était fini, à moins d’une miraculeuse et bien douteuse résurrection.

La gloire ! on a fondu la cloche pour en faire des grelots. Et puis, l’airain des cloches, sait-on jamais quel est le titre du métal ? On meurt, les sons fêlés font rire les sonneurs.

Il se récita les vers orgueilleux et découragés pourtant du vieux Dante :

 « La mondaine rumeur n’est rien qu’un souffle
De vent qui vient d’ici, qui vient de là,
Et, changeant d’aire, change aussi de nom. »

Ayant mis ces trois vers en syllabes françaises, Hubert remarqua combien Dante était difficile à vêtir d’un convenable vêtement étranger. Il pardonna aux hommes de bonne volonté, qui l’avaient tenté, leurs scandaleuses traductions : on ne pouvait peut-être faire mieux qu’en adoptant une exacte barbarie aussi défigurante que les métaphores : la précision de l’original devient de la sécheresse ; sa clarté, de la pénombre, car il faut employer certains mots courts dont le sens vrai s’est perdu et d’autres qui ne se lisent plus que dans les glossaires. Finalement, il se posa cet aphorisme : on ne peut pas traduire en une