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contacts multipliés ne les atteignent et bien, au contraire, il leur faut, pour fleurir, l’arrosoir incessant du jardinier.

En petites exclamations et menus propos assez déréglés, elle formulait de la joie ; Entragues songea qu’autant valait cueillir l’heure présente et il s’efforça vers un aimable libertinage.

Elle le trouvait beau et fait pour tous les baisers ; il laissait dire, plutôt content de donner cette impression et conscient de faire passer à cette fille qui prévalait ses pareilles, un moment de plaisir sincère.

« Ces créatures, après tout, pensait-il, ne sont pas plus répulsives que les adultères ; il leur manque c’est vrai l’auréole du mensonge, mais elles ne sont ni plus ni moins partageuses : avoir à la fois deux hommes, ou en avoir dix, où est la différence ? Passé un, le vice commence et s’il faut mépriser les unes, le même mépris est de droit pour les autres. Sans doute, transgressant une plus stricte loi et un serment spécial, les adultères devraient s’amuser plus infernalement : le piment de l’enfer craque sous leurs dents et poivre leurs baisers d’un feu anticipé, si elles ont eu la grâce d’une éducation chrétienne, mais combien sont capables d’une si cuisante jouissance, de savourer au moment de l’amour l’inéluctable damnation conquise pour le plaisir de celui qu’elles aiment ? Il faut leur reconnaître encore une possible supériorité : c’est quand il y a des enfants : la progéniture des filles n’a pas de père : la progéniture adultère en a deux, prévoyante assurance contre l’orphanité. »

Pendant cela, Valentine apportait