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XV.— L’HEURE CHARNELLE


« Tous ces gens-là ignorèrent totalement

ce que c’est que d’avoir une âme, et pourtant, Monsieur, ils firent l’ornement de la société. »

E. PŒ, Bon-Bon.


Sitôt dans la rue, Hubert vit briller dans l’ombre, regards ardents d’un invisible spectre, deux yeux terribles, incitateurs et impérieux. Il les reconnut et une oppression l’écrasa ; c’était les deux yeux de la Luxure.

« Pour les femmes, le fantôme rôdeur a nom Péché c’est un mâle ; pour les hommes, c’est la femelle Luxure. Ah ! oui, je la reconnais. C’est une compagne d’enfance. Elle est ingénieuse : jadis elle raclait des ballades à la lune sur mes nerfs adolescents. Aujourd’hui, elle tambourine sur ma nuque la ronde des Lupanars. Elle veut d’un seul coup prostituer l’amant et l’amour : j’irai aux vils chatouillements et celle que j’aime sera l’opératrice. »

Il se rendait compte : un voluptueux rêve amené aux premier temps pubères, par la contemplation des yeux de la madone ; depuis cette saison, l’association avait été constante et très souvent inexorable : il fallait obéir ou souffrir d’absolues insomnies endolories encore par la spéciale excitation du lit, ou courir noctambule vers une fuyante proie : dans ce dernier