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Eh bien, un Feud, c’est ça. Un homme a une querelle avec un autre homme et le tue ; alors le frère de l’autre homme le tue ; alors les autres frères des deux côtés viennent à la rescousse les uns contre les autres ; alors les cousins se mettent de la partie ; alors, comme ça, un beau jour tout le monde est tué, et il n’y a plus de Feud. Mais ça ne va pas trop vite : il faut longtemps.

Mark Twain connaît bien la psychologie de cet être inférieur, le nègre, il sait la mettre en action. Rien de curieux comme ce dialogue où Finn s’efforce, en vain, de faire comprendre au vieux Jim que les Français parlent et ont le droit de parler français, et non anglais :

— Voyons, Jim, un chat parle-t-il comme nous faisons ?
— Non, pas un chat.
— Eh bien, et une vache ?
— Non, pas une vache, non plus.
— Un chat parle-t-il comme une vache, ou une vache comme un chat ?
— Non pas.
— Il est naturel et juste pour eux de parler différemment l’un de l’autre, n’est-ce pas ?
— Ça, oui.
— Alors, n’est-il pas naturel et juste pour un chat et une vache de parler différemment de nous autres ?
— Oui, ça, c’est sûr.
— Bon. Pourquoi donc ne serait-il pas naturel et juste pour un Français de parler différemment de nous autres ? Réponds-moi à cela.
— Un chat est-il un homme ? reprit Jim. — Non.
— Ça n’aurait donc pas de sens si un chat parlait comme un homme. Une vache est-elle un homme, ou une vache est-elle un chat ?
— Non, ni l’un ni l’autre.