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les Orpheus C. Kerr ont calomnié leur pays ; jamais le plus sévère des étrangers, ni Mrs Trolope, ni Dickens n’a dit autant de mal de l’Amérique que les Américains. Il faut ajouter qu’ils n’ont pas eu la veine heureuse : bien qu’entretenue par la jalousie anglaise, la popularité de leurs vilains petits livres va diminuant de jour en jour. La vogue se porte, en ce genre, aux amuseurs qui se moquent des travers et non des convictions de leurs compatriotes, font poser devant eux tous les hommes et non pas seulement leurs adversaires, ne reconnaissent pour ennemis que ceux qu’ils n’ont pu parvenir à dérider.

L’un de ceux-là est l’auteur des Innocents Abroad, l’autre, M. Billings, « le moraliste populaire par excellence, dit M. E.-P. Hingston, l’homme au bonnet à grelots, le type de l’humoriste américain ». Il est assez écouté, paraît-il ; on accorde comme une valeur de sermon à ses aphorismes ironiques qui l’ont fait comparer à Thomas Hood. J’en choisis donc quelques-uns, mais on ne peut les goûter complètement qu’en les lisant dans leur jargon original :

Rize arly, work hard and late, live on what yu kant sell, giv nothing awa, and if yu dont die ritch, and go tu the devil, yu ma sue me for damages.
There is one thing I kant neve forget, nor I hain tried to, and that is the fust time I kissed a gal.
If I was asked, What is the chief end of a man now a daze ? I should immegiatly repli, 10 per cent.