Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la publication. Eloa daté ainsi : « Écrit en 1823, Vosges », fut publié en 1824. Mais il en est de douteuses, à propos desquelles Sainte-Beuve, je crois, fit des réserves. Un critique, qui attache une grande importance à la chronologie des inspirations, fera toujours des réserves en ces matières. Vigny semble alléguer ces insinuations dans la préface de la première édition (1837) de ses œuvres complètes ; il dit, antiphrase ou naïve précaution pour la postérité : « Le seul mérite qu’on n’ait jamais disputé à ces compositions, c’est d’avoir devancé, en France, toutes celles de ce genre, dans lesquelles une pensée philosophique est mise en scène sous une forme épique ou dramatique. » Ces questions de date, qui sont d’ailleurs à peu près insolubles, n’ont pas grand intérêt. Les poètes se sont toujours influencés les uns les autres, entre contemporains. Il ne peut pas en être autrement, car ils lisent et méditent avec avidité leurs mutuelles productions, et leur sensibilité en est d’autant plus frappée qu’elle est plus délicate que celle des autres hommes. Ils se jugent d’ailleurs fort bien les uns les autres et y seraient peut-être même seuls compétents si la jalousie n’y jouait trop souvent son rôle. Il est possible que Vigny ait procédé à quelques innocentes anticipations. Cela a d’autant moins d’importance que son état d’esprit a été à peu près immuable au cours de sa carrière. Les