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une, puisqu’aux vertus chrétiennes il joint les vertus stoïques et les vertus romantiques. Il a tous les courages, comme il a tous les dédains : courage militaire, courage civique, courage familial ; dédain de la fortune, de la popularité, dédain des avantages sociaux. Son journal en donne le détail et les détails. Il soigne sa mère mourante, il soigne sa femme malade, il rend service à ses amis, il se réjouit de leur bonheur, et toutes ces choses si simples prennent sous sa plume l’aspect d’actes surhumains dont seul il a été capable, grâce à la noblesse de son cœur. Heureusement que l’on sent à travers tout cela une grande naïveté. Vigny a la naïveté de la noblesse : « Une actrice vraiment inspirée est charmante à voir à sa toilette, avant d’entrer en scène… » Voyez ce besoin d’ajouter (je l’ai soulignée) l’épithète noble. Comme si, pour être charmante à ce moment-là, une actrice avait besoin d’être inspirée ! C’est bien l’homme dont on a dit qu’il n’avait pas vécu dans sa propre familiarité. Qu’il est donc difficile de l’aimer, et comment s’abandonner à un être qui ne s’abandonne jamais, qui se surveille, ne se quitte pas des yeux, a toujours l’air d’être en uniforme, équipé à l’ordonnance, attendant pour penser le mot d’ordre de sa pensée noble !

Bossuet n’est pas que pompeux. Il a souvent des expressions d’un trivial, même d’une crudité ma-