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encore que de vie. On les voit parfois attablés en un cabaret. Ils aiment la bonne chère ; ils goûtent le vin. De la femme, ils ne retiennent que le superficiel, l’élégance, l’esprit, le sourire. Edmond de Goncourt forgea un mot pour résumer l’essence de la femme ; il disait la « féminilité ». Le mot n’a pas vécu : il n’était pas créé avec amour.

Avec ces qualités de curiosité tempérée, ils étaient merveilleusement organisés pour fureter dans la vie et dans l’histoire. On dit maintenant que leurs études biographiques ou historiques ne valent plus. Je ne suis pas de cet avis. N’ayant pas beaucoup d’idées générales, ils ne furent pas systématiques. Ayant dépouillé, sans beaucoup de méthode, il est vrai, les brochures, les correspondances, recueilli les bibelots, les estampes, ils notaient les faits, ou les suggestions sans aucun parti pris. Ils ne furent courtisans ni des puissants, ni de l’opinion, et même ils mirent plus d’une fois leur amour-propre à les braver sans opportunité.

Aristocrates, ils jugèrent sans colère les mœurs des temps révolutionnaires et je tiens pour dignes de confiance leurs travaux sur cette époque. D’ailleurs, ne furent-ils pas les pionniers de la petite histoire ? Je doute que leurs plus heureux continuateurs consentissent à les mépriser. Edmond de Goncourt, dans une préface, note parmi leurs titres de gloire la vogue qu’ils donnèrent aux arts