sont supérieurs. C’est en les confrontant avec les suivants qu’on arrive à pouvoir tenter d’établir la différence d’âme entre les deux frères, qui ailleurs se démêlent très mal. Jules est le plus intelligent et le plus raffiné, mais Edmond est le plus original, étant le moins littéraire. Tous les deux croient fermement à l’art, à la littérature, et le premier y met un sentiment, une passion, une rage qui sont ressentis beaucoup plus modérément par le second. Jules est actif et laborieux. Edmond est nonchalant et rêveur. Il se serait accommodé d’une vie sinon de contemplation, du moins de songeries devant des paysages, des estampes, des curiosités, des pièces d’archives. Chez Jules, l’émotion veut aussitôt se traduire en acte, et l’acte, pour lui, c’est l’écriture. Il écrit, il a prodigieusement écrit, il savait écrire. Edmond taillait, il cousait ; mais coudre, dans ce métier-là, c’est faire plus que d’assembler les morceaux, c’est réaliser en même temps le dessin de détail et l’harmonie générale de l’œuvre. On le verra bien, quand, forcé aux deux besognes, Edmond fera preuve de tant de gaucherie, gaucherie souvent heureuse, dans la mise en œuvre des documents. Leur premier roman important eut pour titre et pour sujet les Hommes de lettres. Jules en était le type et l’architype. Il ne vivait que pour transformer en littérature les sensations qu’il avait recueillies et il n’en recueillait que pour
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