mais leurs paroles ; non pas leur personnalité, mais ce que la vie y apporte d’extérieur et de non essentiel. Tout, presque tout ce qui arrive d’étrange, de saisissant dans la Faustin se retrouve sous forme de véridiques anecdotes dans le Journal. Ils n’ont jamais pu concevoir que les faits doivent découler d’un type et non le type des faits. Ils auraient été gens, dans un roman historique révolutionnaire, à grouper autour d’un être imaginaire tout ce qui est né d’un Marat ou d’un Robespierre, sans comprendre que, les personnages réels ôtés, il se serait sans doute encore passé quelque chose, mais non les mêmes choses. Ils n’ont pas vu que c’est l’homme qui crée la vie à son image, et que ce qui est arrivé à un être donné ne serait pas arrivé à un autre être, parce que dans la même aventure leurs réactions eussent été différentes. Ils ont pratiqué, et le vieux Goncourt plus encore que les deux Goncourt, l’indépendance de l’homme et de l’anecdote humaine : c’est ce qu’on appelle la littérature de documentation. Elle ne comporte pas le romanesque. Les mêmes anecdotes, qui dans le Journal ont un si grand air de franchise et de liberté, prennent, encastrées dans leurs romans, je ne sais quel air gauche et forcé. Vraies dans le carnet de notes au jour le jour, elles deviennent fausses au cours des récits où ils les attribuent à des personnages auxquels elles ne sont pas advenues, si bien qu’elles
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