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de ses vers beaux et pleins porte en son lacis la fatigue même des choses et leur rythme lassé. Je pense toujours au Soir d’octobre[1], qui est une merveille de fluidité automnale :

Un souffle lent répand ses dernières caresses,
Sa caresse attristée au fond du bois tremblant ;
Les bois tremblent ; la feuille en flocon sec tournoie,
Tournoie et tombe au bord des sentiers désertés…

Tout le morceau n’est qu’une seule strophe, une strophe de cinquante vers et la plus belle qui soit peut-être et la mieux tressée, mais de semblables pages sont rares dans sa poésie. Comme Leconte de Lisle, dont il est le disciple plus frémissant, Léon Dierx aime surtout à évoquer, au-dessus de la nature, les visions grandioses, les lourdes légendes épiques, l’horreur des destinées surhumaines :

J’ai détourné mes yeux de l’homme et de la vie.
Et mon âme a rôdé sous l’herbe des tombeaux.

Oui, il s’est trop complu tout d’abord dans son pessimisme tragique, mais la vie a fini par le toucher et par l’émouvoir. Il a découvert qu’avant de mourir les cœurs étaient vivants et qu’avant de souffrir ils connaissaient des heures de joie, des heures de candeur, des heures d’amour.

  1. Mercure de France, 16 janvier 1912.