désert de cent cinquante ans. Banville eut une bien autre fortune ; sa régence détermina une ère d’incroyable fécondité.
Le groupe directeur des Parnassiens détermina-t-il la fondation ou la prospérité de la maison Lemerre, ou est-ce la fortune de cette maison qui entraîna celle des poètes ? Il est certain que les éditeurs ne se comprennent pas sans les auteurs, mais les auteurs tirent un profit évident de l’éditeur qui les accrédite. Toujours est-il que l’histoire de la librairie du passage Choiseul est inséparable de celle de la poésie parnassienne. Xavier de Ricard dirigeait un journal hebdomadaire, l’Art, qui végétait. Catulle Mendès lui conseilla de l’appeler le Parnasse contemporain et de le réserver à la poésie, de lui donner comme explication : « Recueil de vers nouveaux. » Cela ne tenta pas davantage les acheteurs, et la publication allait mourir, quand Lemerre, qui venait d’entreprendre la Pléiade française, comprit l’intérêt qu’il aurait à réunir chez lui les poètes nouveaux aux poètes anciens, et prit à sa charge les frais de cette anthologie, qui d’ailleurs paraissait déjà sous son adresse. Cela se passait en 1866. Dès la première livraison, un nom inconnu s’accola aux noms glorieux de Théophile Gautier et de Banville, celui de Heredia ; puis vint Leconte de Lisle, déjà illustre, puis une foule dont les uns devaient éternellement demeurer dans les