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Ce n’est pas très clair, peut-être. Je veux dire que la passion que veut faire naître Peronne d’Armentières, elle y est prise, elle-même, au point de perdre un moment la tête, mais un moment seulement puisqu’elle a l’énergie de se retirer du jeu au moment le plus pathétique sans autre motif qu’un retour de volonté. Qu’elle eût quinze ans, ou qu’elle en eût vingt, c’est une maîtresse fille. Et comme elle manie les sentiments en action, elle les manie littérairement, avec une vive souplesse. Elle se plie avec tant de grâce à toutes les situations qu’on voit bien qu’elle les a prévues et qu’elle y dessina d’avance ses attitudes. Quel contraste avec la simplicité de Machaut que ses expériences amoureuses laissent désarmé devant l’âme compliquée de cette jeune fille dont la petite main le guida et le plia ! Mais, après tout, il se peut qu’il n’y ait là qu’une illusion et qu’on la doive au talent poétique et psychologique de Machaut, qui aurait voulu présenter cet épisode de sa vie comme une œuvre du destin, pour diminuer sa responsabilité dans une conquête si extraordinaire. Il y a réussi, si tel a été son dessein, car il apparaît dans cette histoire tel que mené vers un but qu’il n’a pas choisi, qu’il n’a même pas soupçonné. Il serait d’ailleurs téméraire d’affirmer que Peronne, qui le connaissait et qui y tendait de toutes ses forces, connût également tous les moyens qu’il lui faudrait