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Après Machaut qui tant vous a amé,
Et qui était la fleur de toutes fleurs…
Veuillez, lui mort, pour l’amour de celui,
Que je sois votre loyal ami.
Eustace suis par droit nom appelé ;
Hé Peronne !…

Ne faisons pas la vilaine supposition que, mariée ou non, elle se soit alors repentie de la gloire amoureuse qu’elle avait désirée plus que l’amour même et, puisque ne nous savons rien de plus sur elle, accordons-lui une constance sans laquelle les plus beaux sentiments n’atteignent pas à toute leur beauté. Ce qu’il y a toujours de moins bon et de moins intéressant dans les romans, comme dans la vie, qui est la matière de quoi ils doivent être faits pour être valables, c’est la conclusion. Nous sommes enclins à y mettre ou à y chercher une logique que ne comporte guère le développement des jours, qui s’y plie rarement. Laissons donc ce que ne nous dévoile pas le Voir-dit et même n’en retenons que l’exceptionnel, c’est-à-dire le caractère même de la dame qui en dicta les événements. Il est singulier, et c’est à peine si on en trouverait dans l’histoire un second qui pût lui être mis en parallèle. J’y trouve un mélange prévue inexplicable de volonté et d’ingénuité, de sensibilité et d’adresse à diriger en vue d’un but lointain cette lourde masse d’émotions que constitue un amour provoqué et partagé.