Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér5, 1923.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il était aimé. Au quatorzième siècle tout n’est pas, comme plus tard, confondu. Les actes du mariage appartiennent au mariage. L’amour a d’autres rites dont Pétrarque disait les bonheurs tout spirituels, et dont Guillaume de Machaut, plus charnel, mais aussi soumis à la loi de courtoisie, conte les délices équivoques. Cependant, cette scène du verger suscite la tendresse de la jeune fille, au point qu’il est probable qu’elle se prit à ce moment-là à adorer un si loyal ami. Guillaume souffrait, pris entre sa délicatesse et son amour, entre son amour et l’amour de l’honneur de son amie. Il note ce conflit : « Et quant à la bonne volonté que vous avez de me faire chose qui me doit plaire et donner confort, je ne vous en sais ni ne puis vous en remercier tant que je le voudrais, car je n’en suis pas digne. Et quant à votre honneur (bon renom) que j’aime cent fois plus que ma vie, il ne sera jamais par mon fait tout ou partie mis en péril. » Qu’à la suite de cette lettre elle lui permette de passer trois jours et trois nuits caché dans sa maison, que Guillaume dise :

Que désirs par nuit me tolait (enlevait)
Le dormir…

mais que le jour l’amour guérissait sa peine,

Car des biens de quoy je vous conte
Estoie peu (repu), malgré honte,
Tous les jours une fois ou deus.