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doux. Et comme toute femme en pareil moment, elle lui demande :

… Mon ami très doux,
Dites-moi, à quoi pensez-vous ?

Et il répond : « Ma douce amour, je pense à des vers que j’ai faits pour vous et que je vais vous dire. » Les vers ne sont pas des plus mauvais, mais c’était peut-être le moment d’être moins poète et plus amoureux. Ces vers sont des plaintes, des dits de casuistique d’amour, où l’on voit le poète se lamenter qu’on lui refuse ce qu’il n’ose prendre. Mais elle réplique loyalement : « Je vous aime. Ce trésor que vous désirez tant, je vous l’abandonne. Prenez-le, je vous le donne. »

La lettre où Guillaume commente cette entrevue est tendre et tourmentée. Il prodigue à son amie les noms les plus cordiaux : « Mon très doux cœur, mon très doux souvenir », et la dame lui répond par de pareilles effusions. Leur tendresse paraît égale, mais Guillaume a des scrupules. Il est toujours plein de respect et d’étonnement. Peut-être aurait-il voulu une tendre amie et non une maîtresse. Il songeait à la joie qui convenait le mieux à son état de vieil amoureux, repu de tous les plaisirs, mais surtout peut-être il obéissait à la courtoisie amoureuse qui lui défendait l’emprise sur celle qu’il aimait, et précisément parce qu’il aimait et