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la réflexion. Avec les idées nouvelles, les traducteurs apportaient aussi un instrument quasi nouveau, indispensable à les mettre en valeur, une langue plus riche, plus souple, quoique un peu oratoire, pleine de mots et de tours nouveaux, qui obligeait aussi à l’effort intellectuel. C’est à ce moment que fut créée, au moins dans sa beauté latente, la langue admirable du dix-septième siècle, qui fait que quand on la connaît un peu, on a presque envie de rougir de la sienne. Depuis déjà quelque temps, on ne sépare plus l’étude du seizième siècle de celle du dix-septième, mais le livre de M. Villey, en attirant l’attention sur les traducteurs, va permettre de souder encore plus étroitement ces deux époques, dont la seconde n’est vraiment que l’épanouissement des promesses de la première. J’avais déjà publié quelques notes sur la préparation du romantisme par les traductions de l’anglais au dix-huitième siècle. Le livre de M. Villey fait voir comment se prépara le siècle qui restera toujours, du point de vue de l’art d’écrire et peut-être de la pensée, le grand siècle. D’aucuns penseront que c’est là une œuvre qui, pour être plus lointaine, n’en est que plus importante.