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d’une révolution intellectuelle et morale si profonde, c’est que, de toutes parts, les idées nouvelles l’ont envahie, ont pénétré les cerveaux et les ont bouleversés. » Voilà le thème développé par M. Villey. Maintenant, comment la France entra-t-elle en contact avec ces idées et d’où venaient-elles ? Le contact se fit en Italie, où il eut lieu non seulement avec la civilisation italienne, beaucoup plus avancée que les civilisations septentrionales en politesse, entente de la vie, raffinement de poésie ou d’érudition, mais avec la civilisation païenne, à l’influence de laquelle la forme italienne de la religion catholique n’avait opposé aucun obstacle. C’est aussi en Italie ou par l’Italie que la France connut d’abord l’imagination espagnole qui frappera la nôtre d’autant plus qu’elle en était plus éloignée, qu’elle était plus originale. Ce premier contact avec l’Espagne se renouvellera et se prolongera, à mesure que ses découvertes géographiques et ses conquêtes lointaines ou européennes empliront le monde, et de l’Espagne il s’étendra au Portugal dont les conquistadors ne le cèdent pas beaucoup aux Castillans et aux Aragonais. Mais rien ne fut comparable à l’invasion de l’esprit français par l’esprit antique : il en fut pour ainsi dire retourné, il en fut ému jusqu’aux racines. Il est probable que nous ne pouvons pas nous faire une idée de la sorte d’ivresse que provoqua dans les cerveaux français la traduc-