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source nouvelle et permanente de rafraîchissement. Émile Hennequin, qui eut des idées ingénieuses et qui fut traducteur aussi bien que théoricien de la critique, a qualifié d’écrivains francisés les étrangers quiont été incorporés à la littérature française, ceux qui font, avec une nuance qui indique l’acclimatement, partie de notre domaine spirituel. Oubliera-t-on le nom du jardinier qui les transplante et veille sur leurs nouvelles racines ? Si Baudelaire n’avait pas écrit les Fleurs du Mal, n’aurait-il pas encore sa place marquée dans notre histoire littéraire comme traducteur et tuteur d’Edgar Poe, encore qu’il n’ait pas toujours été le premier ? Je l’avoue, je mets bien au-dessus des poètes de petite sensibilité et de petite rhétorique, dont notre littérature s’est si maladroitement encombrée, les noms d’Amyot, de Pierre Saliat, de Jacques Gohory, de Jean Baudouin, de l’abbé Desfontaines, de Letourneur, d’Amédée Pichot, de Bourdeau, d’Henri Albert. Par eux sont entrées pour la première fois chez nous, et y sont demeurées, quelques-unes des images et des idées les plus belles et les plus riches qui soient. Franchement, je les prise un peu plus que les Benserade et les Bernis. M. Pierre Villey aussi. C’est pourquoi j’aime son livre qui étudie les Sources d’idées au seizième siècle[1].

« Si la France a été au seizième siècle le théâtre

  1. Librairie Plon, 1 vol. in-12.