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amours. Maintenant il ne peut courir ni monts ni plaines,

Car à pié sui, sans cheval, et sans selle,
Et si n’ay mais Esmeraude ne Belle
Ne Lancelot.

II lui a fallu se débarrasser de ces bons chiens, car à peine peuvent se nourrir les gens. Dans le désarroi de la ville, menacée d’un siège, il est forcé, lui, chanoine prébendé, de monter la garde comme un bourgeois. Peut-être, au contraire, était-ce un honneur, mais il s’en passerait :

Et si vuet on que je veille à la porte
Et qu’en mon dos la cotte de fer porte.

Ce ne fut qu’une alerte, les Anglais ne vinrent pas et Guillaume commença de se rasséréner. Ses premières compositions poétiques datent sans doute de plus loin, mais c’est à ce moment-là qu’il se met à produire avec abondance et sans guère d’interruption. Chansons, poèmes, dits et ballades de Machaut n’ont guère qu’un sujet : l’amour. Quelle que soit la fable, il l’interrompt volontiers pour raconter ses déboires près des femmes, dont l’amour lui semble toujours intertain. Il est perpétuellement en quête de réconfort et, comme dans le Dit du vergier, c’est de la bouche de l’amour lui-même qu’il veut entendre les paroles de bon conseil. La composition