siècles se substituer à celle de la civilisation française, jusqu’à l’heure où le romantisme acheva d’en briser le courant désorganisé.
Il y a une objection à l’importance de l’œuvre des traducteurs, c’est que le fleuve d’idées qu’ils semblent déterminer est presque toujours antérieur à leurs traductions. Mais ce n’est qu’une apparence. S’ils ne sont pas inventeurs, ils sont consolidateurs. Sans eux, le courant n’aurait presque toujours été qu’un torrent sans lendemain ou même un petit ruisseau bientôt perdu dans les marais de la routine. Nous avons vu de nos jours les idées de Schopenhauer et plus tard celle de Nietzsche faire leur travail de renouvellement dans quelques esprits, avant que leurs œuvres fussent encore connues du public français. M. Henri Albert achève seulement sa version de Nietzsche ; celle de Schopenhauer, bien plus lointaine, n’a été complétée que ces mois derniers. Sans doute, mais plusieurs générations ont déjà puisé dans l’une et dans l’autre des principes d’activité ou de nirvana (peu importe : dans le domaine des idées c’est l’absence d’idées et non leurs tendances qui constitue la mort), des principes de renouvellement, ce qui ne serait pas arrivé sans le courage heureux, sans la persévérance des traducteurs. En un mot, ils fixent ce qui n’aurait été que fugitif et ils mettent à la portée de tous, c’est-à-dire du génie comme du pauvre esprit, une