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beaucoup de charme. Nous sommes là dans une région supérieure ; il y a dans ce livre des pages d’un détachement vraiment nietzschéen, un arrachement au bonheur par amour de la liberté, où se lit la philosophie la plus haute, la plus féminine et la plus vraie. Le singulier livre avec son mélange d’acrobatie, de sensualité (peut-être quelque chose de plus) et de douloureuse mélancolie, de hautaine amertume ! Nulle pudeur et pourtant toute la sensibilité de la femme. Nulle hypocrisie, mais tous les mystères d’une nature énigmatique où la volupté est étouffée par la volonté. La Vagabonde n’est peut-être pas une oeuvre d’art, c’est un traité de psychologie féminine. C’est la femme mise à nu avec sa manière éternelle de vouloir ce qu’elle ne veut pas, de ne plus vouloir ce qu’on lui offre et ce qu’elle désire, de s’arracher à la vie par orgueil de vivre. Il y a quelques vulgarités de style ou plutôt de langage, dues au milieu où a évolué Colette Willy, et c’est dommage. Je n’aime pas beaucoup non plus le décor principal du roman, mais il faut prendre les choses comme elles sont, car tout se tient et on a le droit de ne pas goûter, mais non de blâmer, un ensemble où il y a d’aussi belles choses et aussi émouvantes.

Quant aux Affranchis de Marie Lenéru, c’est moins une pièce de théâtre qu’un dialogue philosophique de belle tenue, mais d’un ton un peu guin-