Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér4, 1927.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On ne connaît de Samain aucune autre prose que quelques contes. Les autres poètes des premières années du Mercure s’occupaient volontiers de critique, et quelques-uns y ont persévéré Charles Morice, que son livre récent, la Littérature de tout à l’heure, mettait au premier rang des esthéticiens ; Louis Dumur, dont les essais de vers rythmiques promettaient un poète original et volontaire on n’a pas oublié sa iambique Neva :

Les horizons pallides
Ont des glacis jaspés et des cirrus en chrysalides,
D’où suinte un jour ténu, très doux, mystérieux et vague.
L’hiver s’est accroupi solidement sur chaque vague…

Ernest Raynaud, qui fut avec Moréas un des arcadiens de l’école romane Pierre Quillard[1], critique délicat et doux, qui lit tous les vers, mais n’en fait plus aucun ; Edouard Dubus, philosophe occultiste qui évoqua un soir devant Huysmans, fort troublé, le corps astral de Camille de Sainte-Croix ; Albert Aurier, qui était déjà (il mourut tout jeune) un maître en critique d’art, qui avait découvert Van Gogh et, presque avant tous, célébré la gloire de Gauguin, de Carrière, de Renoir, de Claude Monet, posé des principes d’esthétique que l’on discute encore, parce qu’on ne les a pas remplacés.

  1. Pierre Quillard vient de mourir (1912), en regrettant peut-être de n’avoir pas donné toute sa vie aux lettres.