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bien sont-ils ceux qui lurent, dans la « Pléiade » de 1886, le Massacre des innocents ? Le Mercure se rattache également, du moins pour l’esprit et la collaboration, au Scapin, publication hebdomadaire imitée de la Vogue, et qui était dirigée de fait par Alfred Vallette, qui y publia des fragments d’un roman et des articles de doctrine littéraire. Il y démontrait volontiers que le symbolisme n’avait aucun avenir et que tout au plus demeurerait-il un des ruisselets de la poésie française. Je ne crois pas qu’il ait changé d’avis en passant par la « Pléiade », et quand il organisa le Mercure de France, son intention était très loin d’en vouloir faire un recueil symboliste. Aussi bien le Mercure ne l’est-il devenu tout à fait que vers 1895. Jusque-là, de toutes les tendances qui s’y manifestent fraternellement, le symbolisme est la moins bien représentée. Mais peut-être faut-il entendre par symbolisme, ainsi que je l’ai écrit et toujours pensé, une littérature très individualiste, très idéaliste, au sens strictement philosophique du mot, et dont la variété et la liberté mêmes doivent correspondre à des visions personnelles du monde. En ce sens, le symbolisme ne serait techniquement, qu’un naturalisme élargi et sublimé, ce qui se définit assez bien par le mot de Zola « La nature vue à travers un tempérament », si on donne au mot nature sa signification ample l’ensemble de la vie et des idées qui