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sans illusions, il se montre cependant à l’occasion plus satisfait d’une bonne action que d’une bonne fortune, mais il faut s’entendre sur les bonnes actions de Casanova : elles consistent généralement à traiter et à payer royalement ses maîtresses et même à les marier, en assistant honnêtement à la noce. Dans ces moments, il pleure d’attendrissement. Repassant quinze ans plus tard au même endroit, il trouve un garçon ou une fille qui lui ressemble et ce sont de nouvelles larmes de bonheur. À chaque moment, dans la vie de Casanova, le sentiment se mêle à la sensualité et cela relève tout de même un peu des aventures plus nombreuses que distinguées.

C’est don Juan et, même dans une société facile, don Juan ne peut pas être bien difficile. Tout lui est bon, jusqu’à la servante d’auberge, pour peu qu’elle soit jolie, mais son tempérament est excessif et le désir, toujours en éveil, lui fait discerner la beauté, là où les autres hommes n’aperçoivent que des promesses de bonheur fort médiocres. C’est déjà être heureux que de souhaiter passionnément de l’être. Casanova n’en laisse passer aucune occasion. Il pratiqua même des attaques assez difficiles, il se heurta à des apparences sérieuses de vertu et, patient, triompha. Trois jeunes filles, trois sœurs ou trois amies, ne faisaient que multiplier ses forces en multipliant ses désirs, et géné-