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la catégorie des énigmes. Lui-même ensuite parut estimer davantage ses morceaux les plus difficilement orchestrés, et les jeunes gens qui cherchaientt du nouveau le cherchèrent là et crurent l’avoir trouvé. Il n’y a pas de doute que c’est moins pour son génie poétique que pour le caractère mystérieux de ce génie abstrus qu’il fut élu le maître d’une fraction de la nouvelle école. Il se trouva, que l’autre consul, Paul Verlaine, usait au contraire d’une langue parfois un peu molle et négligée. Les tendances et les volontés contraires se trouvèrent satisfaites, et le gouvernement du symbolisme institué, même avant qu’il eût trouvé son nom définitif.

Ce mouvement, que la presse découvrit en 1885[1], remontait, en réalité, à près de vingt ans. Arrêté par la guerre, il acquit toute sa force le jour où des jeunes poètes, découvrant à la fois, guidée par un chapitre fameux d’A Rebours de Huysmans, Mallarmé et Verlaine, s’en trouvèrent enthousiasmés et pour ainsi dire fécondés sur l’heure, Ils reconnaissaient dans ces deux hommes la réalisation contradictoire de leurs confuses, aspirations : ils prirent soudain confiance en eux-mêmes. Il fallait aussi, pour que le mouvement éclatât au grand jour, la venue en France d’un jeune étranger hardi, un peu brutal, mal au courant de nos préjugés litté-

  1. Chronique de Paul Bourde dans le Temps du 6 août 1885.