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roman n’a nul besoin d’être scientifique. Elle peut prendre une forme fantaisiste, elle peut s’exprimer par contrastes et oppositions : le lecteur redressera facilement les termes. Peut-être, à condition que l’on ne heurte pas trop brusquement ses habitudes de pensée et que l’on prenne un certain ton de lyrisme souriant qui l’avertisse que l’on côtoie la région du rêve. Il est vrai qu’alors la méthode ne serait guère nouvelle. M. Jules Romains a la prétention, et elle est justifiée, de ne relever que de lui-même, d’inaugurer une sorte de psychologie géométrique il est trop perspicace pour s’être dissimulé les périls de sa manière.

Godard est un mécanicien des chemins de fer retraité ; il a perdu sa femme et n’a pas d’enfants, mais ses vieux, très vieux parents vivent encore, dans un coin de province. Il demeure à Paris, n’a pas de relations et sa seule liaison avec la vie directe est une affiliation à une Société de secours mutuels. Il n’est rien, à peine un atome social, et pourtant l’existence de ce rien n’est pas sans avoir de certains prolongements dans le monde. Ses parents pensent à lui, ou plutôt le pensent ; de même tels de ses anciens camarades, de ses amis d’enfance. Godard, l’isolé, vient à mourir d’une pleurésie : quels vont être les retentissements de cette mort dans les fragments du monde où on s’apercevait, même très vaguement, de son exis-