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et d’anecdotes que M. Léon Séché vient de publier sur Alfred de Musset. Cousin se bornait à la faire couronner par l’Académie et à lui ouvrir revues et journaux. Louise Colet était d’ailleurs assez désintéressée et avait l’ambition de vivre de sa plume. Elle possédait un mari, le sieur Colet, musicien, qui considérait les ébats de sa femme d’un œil fort placide. II ne s’émut même pas, quand Alphonse Karr, lui apprit, dans les Guêpes, qu’il était devenir, par procuration, père d’une petite fille. Sainte-Beuve écrivait à ce propos à Juste Olivier, le 9 juin 1840 : « Cousin s’est fait grand tort sur un point, c’est en ayant madame Colet publiquement pour maîtresse : elle est enceinte, il a été à Nanterre pour la nourrice. Ce polisson d’Alphonse Karr a raconté tout cela dans ses Guêpes. » C’est à la suite de cette indiscrétion que Louise Colet, qui avait des nerfs et du nerf, s’en alla donner à Alphonse Karr un coup de couteau dans le dos. Le couteau glissa, Karr le confisqua, le fixa au mur de son cabinet de travail avec une inscription commémorative, et cela fut tout. Quelques années plus tard, elle rencontrait Flaubert dans l’atelier du sculpteur Pradier, et devenait immédiatement sa maîtresse, sans rompre avec Cousin, qui se sentait délaissé et qui aimait toujours. Elle avait même le cynisme de communiquer à Flaubert les lettres du philosophe et