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française, au cours du dix-neuvième siècle, mais ce fut par ses émois plus que par ses œuvres. Elle réchauffa, de tout son feu, qui était ardent, le cœur philosophique du vieux Cousin, et elle fit goûter à Flaubert les délices de la première passion. Elle était jolie, frénétique, jalouse, spirituelle et sans presque aucun talent. Ce sont des titres pour figurer, sinon dans les anthologies, du moins dans les mémoires secrets de la littérature. Or, les œuvres de cette dame, qui ne fut « vertueuse et honnête » qu’au sens gaillard que Brantôme donnait à ces mots, sont d’une décence excessive. Tous les deux ou trois ans, grâce à la protection de son docte amant, elle remportait le prix de poésie à l’Académie française. Les sujets humanitaires ou patriotiques inspiraient volontiers sa chaste muse. Elle mit en vers le musée historique de Versailles ; elle versifia la colonie pénitentiaire de Mettray, Cependant un autre de ses amants, l’amant sérieux, celui-là, le pharmacien Quesneville, directeur du Moniteur scientifique, lui faisait la galanterie d’une édition mirifique de ses poésies en un luxueux in-folio tiré à vingt-cinq exemplaires. On attribua longtemps cette générosité à Victor Cousin, mais le philosophe, sans être tout à fait avare, savait trop bien compter pour se livrer à de telles folies. Je trouve ces petites révélations dans les deux volumes pleins de faits