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fois, au contraire, elles se complètent et se font valoir. Les femmes, depuis quelque temps, ont pris le parti, quand elles écrivent, d’essayer d’une certaine sincérité, mais cela leur est bien difficile. Leurs poésies diront toujours ce qu’elles voudraient être, et non ce qu’elles sont. Si elles étaient sincères, d’ailleurs, les hommes ne les estimeraient plus ; et elles sentent le péril. Les femmes sont obligées à une attitude dont les hommes, qui l’exigent, connaissent l’hypocrisie, mais qui les charme comme un hommage craintif à leurs désirs. Quelques-unes s’émancipent, pourtant, à mesure qu’elles échappent au joug religieux, et on ne reprochera pas à Renée Vivien d’avoir cajolé l’opinion publique. Je souhaite vivement, pour ma part, que cette émancipation s’achève et que les aveux féminins se fassent moins équivoques. Il faut qu’un peu de la vie se lise clairement dans l’œuvre, même dans l’œuvre d’art ; sans quoi on tombe dans la rhétorique : il y a une rhétorique féminine, plus déplaisante encore que l’autre, parce qu’elle est encore plus verbeuse et plus molle. George Sand, qui n’eut que des quarts d’heure de sincérité, en a donné de bien fâcheux exemples ; on en trouve de pires quand on confronte la vie et les livres de sa contemporaine Louise Colet.

Louise Colet participa beaucoup à la littérature