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on prétend même leur donner une culture générale, dont la littérature fait nécessairement partie ; or, Rabelais, Molière, Voltaire, Musset font partie, et au premier rang, de la littérature. Faut-il mettre entre leurs mains Pantagruel, Sganarelle, Candide, Rolla ? Telle est la question. On n’attend pas de moi que j’essaie de la trancher à l’improviste. Tout ce que je puis dire, c’est que, incliné à un grand libéralisme dans l’éducation des jeunes filles, je reconnais que ce libéralisme a des limites. En allant trop loin, on froisserait bien des sensibilités. La vraie solution serait peut-être de laisser telles qu’elles sont les œuvres des grands écrivains, de ne pas les édulcorer, de ne pas leur enlever, par des coupures malheureuses, cette hardiesse spontanée qui fait leur charme. Alors on fermerait la porte aux jeunes filles que l’on veut élever à l’ancienne mode, comme on la ferme aux petits garçons, sans que personne ne s’avise de les plaindre. Il vaut mieux, en somme, ignorer Musset que de croire que c’était un Lamartine un peu plus fiévreux et un peu moins correct, mais qui a traité à peu près les mêmes sujets, et qui avait pareillement l’âme enrobée de moralisme et de religiosité.

Le Musset des familles est, nous dit-on, le premier d’une série. Il a eu des modèles. Il y a quel-