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caractère assez singulier. Voilà. On ne saurait vraiment, sans indiscrétion, en demander davantage. Mais les familles pieuses ne sont pas indiscrètes. Les révélations de l’étiquette leur suffisent. Les familles pieuses ne sauront jamais que Hassan était couché tout nu sur une peau d’ours et que Musset trouve cela une très noble pose. Le Hassan des familles s’enveloppe d’une robe de chambre à fleurs et il donne audience à la vertu persécutée. Ah ! ce n’est pas lui qui, sur la souple ottomane, se laisserait bercer par des bras parfumés ! Fi donc ! Jeune homme modèle, qui sait ? élève peut-être des bons pères missionnaires, le Hassan des familles ne se montre à ses lecteurs mondains que dans l’attitude la plus correcte. On sent, à chaque page, la collaboration éclairée de M. Arthur Meyer, éditeur de la chose.

J’attendais le Rolla des familles, non sans quelque impatience. Il est digne de Hassan, c’est tout dire. L’étiquette qui en accompagne les rognures a de la saveur : « En 1883, Musset donna Rolla dans la Revue des Deux Mondes, qui ne l’accepterait pas aujourd’hui, pour raisons très respectables. » Et cette remarque, qui est juste, montre bien le chemin parcouru depuis soixante-dix ans dans le sens de la réaction religieuse et de la morale dévote. Un poète qui publierait aujourd’hui un poème d’une