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lade comme Obermann, soit ; et Obermann était malade parce que Jean-Jacques était malade. C’est assez probable, mais veut-on que René ait eu la santé du chevalier de Faublas ?

M. Lasserre triomphe des tares qui gâtaient la physiologie et, par suite, la sensibilité et l’intelligence de Jean-Jacques Rousseau. C’était, à n’en pas douter, un de ces êtres que le professeur Grasset range parmi les demi-fous ; mais les demi-fous n’en font pas moins, très souvent, « l’ornement de la société ». Ils paraissent plus nombreux dans la littérature moderne que dans les littératures anciennes, mais ce n’est qu’une illusion d’optique. Les vrais fous paraissent plus nombreux aussi et les criminels et les malandrins de tout genre ; mais cela tient à ce que nous avons inventé la statistique, l’investigation psychologique, et que nous sommes curieux du détail, qui ennuyait nos ancêtres. Piacine, avec son air d’homogénéité pompeuse, est assez mal équilibré. Toute sa famille est névropathique et atteinte de dégénérescence religieuse. Son génie n’est qu’une belle crise de lucidité intellectuelle, étouffée entre deux périodes d’affaissement. Une rémittence, huit ans avant sa mort, lui permet Athalie et il retombe engourdi. En dehors de ses tragédies, il est presque nul : sa mentalité enfantine fait de la peine, sa dévotion grossière afflige.