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Jacques Rousseau apologiste du Christianisme. Le « roussisme » de Victor Hugo ne dépasse pas cette honorable compilation.

Chateaubriand avait été imprégné de Rousseau, idées et style. Il en garda quelque chose, dans le style seulement. Revue par lui, la méthode d’écrire de Jean-Jacques est demeurée celle de toute la prose émotive du dix-neuvième siècle. Pour peu qu’on se passionne, on redevient encore disciple de Jean-Jacques ; mais la méthode s’est bien gâtée : nous avons eu tant de Quinets, de Sands, tant de Michelets pulvérulents ! Des idées « roussiennes », ou plutôt encyclopédistes, Chateaubriand en fut un moment tout chargé, mais il en portait le fardeau assez allègrement : l’Essai sur les Révolutions n’est pas un livre médiocre et on retrouve l’esprit, devenu alors ironique, à bien des pages de son œuvre orthodoxe. Mais pourquoi veut-on que la mélancolie de René vienne de Genève ? Un Chateaubriand ne peut-il donc avoir sa sensibilité propre, aiguisée aux conflits religieux, politiques, sociaux ? Chateaubriand, c’est l’entrée dans le courant français d’une province jusque-là muette, la Bretagne. La Bretagne n’aurait-elle donc jamais eu de voix, si Jean-Jacques n’avait parlé d’abord ? Tout se tient, sans doute, et les hommes vivent, pensent et agissent selon les lois éternelles de l’imitation. Venu après