Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Finissons, dit-il au chapitre suivant, par quelques remarques générales.

« L’esprit dominant du sacerdoce doit être l’égoïsme. Le prêtre n’a que lui seul dans le monde ; repoussé de la société, il se concentre ; et voyant que tous les hommes s’occupent de leurs intérêts, il cherche le sien. Sans femme et sans enfants, il peut rarement être un bon citoyen, parce qu’il prend peu d’intérêt à l’État. Pour aimer sa patrie il faut avoir fait le tour de la chambre sur ses mains, comme Henri IV. Autre trait général du caractère des prêtres : le fanatisme. En cela ils ressemblent au reste du monde : chacun fait valoir le chaland dont il vit. Nous sommes assis dans la société comme les marchands dans leurs boutiques : l’un vend des lois, l’autre des abus, le troisième du mensonge, un quatrième de l’esclavage ; le plus honnête homme est celui qui ne falsifie point sa drogue et qui la débite toute pure, sans en déguiser l’amertume avec de la liberté, du patriotisme, de la religion. Enfin, la haine doit dominer chez les prêtres, parce qu’ils forment un corps. Il n’est point de la nature du cœur humain de s’associer pour faire du bien ; c’est le grand danger des clubs et des confréries. Les hommes mettent en commun leurs haines et presque jamais leur amour. »