Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouver dans l’histoire qui admette la vérité de l’existence du Christ, nous voyons, d’après les auteurs latins, qui parlent avec le dernier mépris de la secte naissante, que les Évangiles n’étaient pas même entendus à la lettre par les premiers chrétiens. C’étaient des espèces d’allégories, des mystères auxquels ou se faisait initier comme à ceux d’Eleusis. » Outre les quatre évangiles, il y en avait une multitude d’autres, appelés maintenant apocryphes, mais qui ne le sont pas plus que ceux qui ont été conservés. On y remarque « tant de contradictions (contradictions que vous n’avez pu même faire disparaître des Évangiles que vous nous avez laissés) qu’il faut nécessairement en conclure que, dans le principe, l’histoire du Christ était un conte qu’on brodait selon son bon plaisir[1]. » Vient ensuite un argument tiré des innombrables hérésies des premiers temps, preuve que les vérités évangéliques étaient alors bien incertaines ; puis le chapitre s’achève sur ce morceau admirable, qu’on dirait d’un Voltaire devenu soudain lyrique, sans rien perdre de sa raison et de son esprit :

« Allons plus loin. Admettons la réalité de sa vie et l’authenticité des Évangiles. De la simple lecture

  1. Selon les besoins de telle petite église ou congrégation nouvelle, dirait-on aujourd’hui, car il n’est pas dans le caractère juif de « broder » sans utilité. Il s’agissait pour chaque communauté d’avoir un évangile particulier : signe de noblesse.