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Cette note, la première de ce genre rencontrée au cours des marginalia de l’Essai sur les Révolutions, montre bien que la pensée secrète de Chateaubriand, en 1798, ne s’incline nullement vers les croyances traditionnelles. Au contraire, toutes les notes ajoutées à ce moment témoignent d’un singulier renforcement d’incrédulité. C’est au point qu’ayant lait allusion aux « raisons victorieuses » par lesquelles « les Abadie, les Houteville, les Bergier, les Warburton » ont combattu les objections des philosophes modernes contre le christianisme, il écrit en se relisant : « Oui, qui ont débité des platitudes ; mais j’étais bien obligé de mettre cela à cause des sots[1]. » Curieuse remarque et qui ne laisse pas, d’ailleurs, que de donner une bonne idée du public pour lequel, deux ou trois semaines plus tard, il va se mettre à compiler le Génie du Christianisme.

Il ne désire aucunement l’immortalité de l’âme : « Quelquefois je suis tenté de croire à l’immortalité de l’âme ; mais ensuite la raison m’empêche de l’admettre. D’ailleurs pourquoi désirerais-je l’immortalité ? Il paraît qu’il y a des peines mentales totalement séparées du corps, comme la douleur que nous sentons à la perte d’un ami, etc. Or, si l’âme souffre par elle-même indépendamment du corps,

  1. Essai, p. 593.