Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion. Ayant lu les Foules de Lourdes avec un tout autre esprit que sa femme, il n’avait trouvé dans le récit des miracles et dans la description de tant d’effroyables plaies qu’un motif à remercier Dieu de sa clémence. Loin de demander un miracle, M. Lecamus se réjouissait de ne pouvoir devenir un miraculé !

Ils partirent. Mme Lecamus n’avait qu’une pensée : « Comment obtenir qu’il consente à se laver le crâne dans l’eau merveilleuse ? » Elle consulta le livre de M. Huysmans, qu’ils avaient emporté ainsi qu’un guide. On entrait sans cérémonie, semblait-il, dans cette salle où « la Vierge, devenue servante de bains, travaille ». Une fois là, elle userait de subterfuge, elle tremperait son mouchoir dans le jus béni, et, vite, en coifferait M. Lecamus. On verrait bien. Elle se représenta, d’après M. Huysmans, la sainte beauté de cette eau pareille à de « l’eau de vaisselle grise », à un « étain liquide » où nagent « des ampoules rouges et des cloques blanchâtres ». Quelle triomphe pour la foi, car on lave dans ce bouillon des plaies vives, qui « ne s’en portent pas plus mal » ! Cette saumure pieuse exaltait sa faible imagination ; elle se représentait avec componction le divin cloaque ; elle aurait voulu avoir, pour mériter de s’y plonger, quelque mal secret !