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camus lui-même, ne la détournait pas de tenter le suprême remède. Il se passait à Lourdes des choses si extraordinaires ! Les bienfaits y étaient distribués d’une manière si inattendue ! « Est-ce le mérite que la Vierge récompense, est-ce la foi ? On n’en sait rien. On y voit d’insignifiants maux guéris soudain aussi bien que les plus affreux supplices. On y voit des incrédules s’en retourner soulagés et de pieuses personnes pleurer en vain. Nous sommes dans le mystère. Allez à Lourdes et espérez. »

Ayant retrouvé ces saines idées dans le livre de M. Huysmans, elle n’hésita plus, persuadée d’ailleurs que son mari, autant qu’elle, et pour les mêmes motifs, souhaitait d’accomplir le pèlerinage.

Elle se trompait. M. Lecamus désirait beaucoup d’aller à Lourdes, mais s’il avait hésité jusqu’alors, c’était précisément dans la crainte que Mme Lecamus ne voulût l’associer à un vœu dont il sentait toute l’absurdité. « Déranger la Vierge, se disait-il, pour une bêtise pareille, pour m’éviter un coup de bistouri ! » Et, devenu tout à coup très brave, il s’était enquis d’un chirurgien. Cependant, comme l’opération, si longtemps différée, n’était pas urgente, il avait cédé à sa femme. Il se promettait, au surplus, de ne faire qu’un pèlerinage de dévo-