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ORIBASE

CONTE ATHÉNIEN


Oribase était un poète comme il y en a. Tantôt il avait du talent et tantôt il n’en avait pas. Sa sensibilité était désordonnée et ses idées étaient menues. Il aimait la nature avec fougue et quelquefois cette exaltation se traduisait en beaux accents. Moins heureux quand il voulait raisonner, il allait tout d’un coup aux extrêmes, criant : « Vive l’anarchie ! » avec une conviction désespérante. Comme il avait le verbe pittoresque, il affirmait ses idées sur la religion par ce mot spirituel : « Les prêtres, il faudrait les piler dans un mortier avec du capsicon ! » Le capsicon est une sorte de poivre. Oribase n’expliquait pas ce qu’il entendait faire de cette pâtée ecclésiastique, et l’on n’a jamais su s’il la destinait aux cochons ou à lui-même. Ayant le gosier naturellement salé, de tels condiments lui étaient inutiles, et je pense qu’il ne tenait ces propos que pour attirer sur lui l’atten-