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annoncé à son peuple qu’il s’en allait retrouver son père Gargantua et consulter l’oracle de la Dive Bouteille. Par ces mots sing-uliers, ils entendent la Sagesse éternelle, infinie et incréée ; ils la représentent aussi sous l’apparence de l’amiante qu’ils nomment pantagruelion. C’est une herbe qui ne brûle pas. Pantagruel reviendra à la fin des temps sur son bateau et il emmènera dans le royaume de l’Orient tous les Aventurins, les vivants et les morts, qui auront vécu selon le véritable pantagruélisme. Quel dommage, ajouta don José, qu’un peuple si honnête ait une religion si ridicule ! »

J’avais compris, dès que le nom de Pantagruel avait été prononcé. J’expliquai donc de mon mieux à don José l’origine de cette religion inconnue. Quelqu’un des aventuriers ou Aventurins primitifs avait dans sa poche un tome de Rabelais, qui se trouva le seul livre de la communauté et par conséquent devint le Livre. Il est probable, puisque la vie de Pantagruel se clôt, dans leurs traditions, sur son départ pour le pays de la Dive Bouteille, que c’était une des éditions de vers 1550, qui s’arrêtent au Tiers Livre, lequel est le second de Pantagruel.

Je promis à don José de lui faire parvenir à San Juan une bible aventurine complète. Mais après réflexion, je m’en suis gardé. Il aurait été capable de la montrer au poste de Santa-Maria, de la don-