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captivité ! Que de fois n’avons-nous pas entendu, quand nous passons rapidement, à la tombée du jour, pour aller faire nos prières à Saint-Jean-de-Latran : « Voilà les deux Turquines ! » Alors nous nous serrons plus étroitement l’une contre l’autre et nous songeons que nous avons bien doucement pleuré dans la maison du Turc. Ceci va vous toucher et vous expliquer aussi pourquoi je vous écris : nous pleurions sur notre destinée et nous pleurions sur la mort de votre Clara. Louma avait ce petit livre dans sa poche, quand elle fut enlevée comme moi, pendant une promenade. Nous l’avons lu ensemble bien souvent, et que de joies il nous a données et que d’angoisses, à nous qui ne devions pas mourir !

Il faut donc vous parler de notre délivrance. Elle arriva, selon ce que les journaux ont rapporté, par l’entremise de nos ambassadeurs. Nous étions tout près de Constantinople. Louma le savait, qui ne s’était pas évanouie. C’est elle qui eut l’idée d’un message pour lequel nous gagnâmes une vieille marchande de bijoux qui venait parfois à la maison. Nous ne parlions jamais avec elle que par signes, mais Louma découvrit qu’elle savait quelques mots de géorgien.

Le moment le plus cruel de mon histoire fut celui où je retrouvai ma mère. Elle lut dans mes