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le craindre. Un jour, il fut évident que Sigalion vivait sa dernière strophe.

Sa mort fut belle.

Il dit, sur le ton de dignité triste qui convient aux aveux suprêmes :

« Étant tout jeune, avant de connaître ma vocation. … un livre… un tout petit livre… oh ! sous un pseudonyme… quelques vers… trente, quarante peut-être… pardonnez-moi ! »

Cette confession émouvante troubla tous les cœurs présents ; des femmes pleuraient : des jeunes gens se serraient les mains fiévreusement.

Sigalion répéta :

« Pardonnez-moi !… Mais surtout vivez ! Vivez le poème de la vie ! »

On l’entendit encore murmurer dans le frisson de la dernière minute :

— « Je meurs étouffé par les idées ! »