Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la preuve. Le catholique militant, le prédicant de Science et Religion, n’y transparaît pas, et c’est au point qu’on a pu se demander si la conversion de M. Brunetière n’avait pas été une manœuvre de politique, plutôt qu’une manœuvre de conscience.

Son œuvre, je la considère comme un répertoire de faits, d’idées et de jugements littéraires, et un répertoire valable. Mais que l’on n’y cherche pas autre chose. M. Brunetière n’a jamais eu que des idées objectives, celles qui sont le produit d’une volonté ou d’une méthode, celle que l’on acquiert. Ces idées sont raisonnables, elles sont justes, elles ne sont pas originales. C’est qu’il a manqué à M. Brunetière le ferment de l’idéalisme. Je lis dans son Balzac : « Non seulement il n’est pas vrai, en fait, que chaque chose apparaisse à chacun de nous sous un aspect différent, que déterminerait son « idiosyncrasie » ; et il n’y a là qu’une prodigieuse et impertinente illusion de l’orgueil ; mais la même réalité s’impose à toutes les intelligences ; et, de chaque chose, il n’y a qu’une vision qui soit exacte et « conforme à l’objet », de même que, de chaque fait, il n’y a qu’une formule qui soit scientifique. » Cette citation, mieux qu’un long discours, montre les limites de l’esprit de M. Brunetière et sa position. Avec ce principe, on arrive à nier la légitimité