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mot, la traduction est fidèle. Elle est, d’ailleurs, la seule que l’on puisse se procurer facilement en librairie[1].

Depuis longtemps épuisée, celle de Gustave Brunet atteignait des prix énormes. Quant aux anciennes, elles sont très rares et souvent très chères.

Le volume dépasse sept cents pages. Il est donc impossible de songer à joindre à la traduction française le texte latin. Cela est fâcheux, car ce latin ecclésiastique et familier, à syntaxe analytique, est des plus agréables à lire.

Il est difficile de déterminer la part d’invention de Voragine dans sa Légende. Elle est fort minime au fond des récits ; pas très grande sans doute, s’il s’agit de la forme et des ornements. Les sources où il a puisé sont nombreuses. Il y a d’abord les Actes des Martyrs, toutes les vies de saints qui se rédigèrent depuis saint Jérôme jusqu’au xiiie siècle. Voragine avait presque autant de documents sous la main qu’en peut avoir un compilateur pieux d’aujourd’hui. Mais sa critique est nulle ; tout ce qui est édifiant lui semble exact. Cet état d’esprit

  1. Une autre traduction a paru naguère. C’est d’ailleurs une curiense contradiction économique que les livres de piété, comme les livres de poésie, se font plus nombreux à mesure que le monde se désintéresse et de la piété et de la poésie. C’est probablement qu’il demeure, invaincue et même grandissante, une élite sentimentale.