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selle qui devait durer jusqu’à nos jours ; jusqu’aux derniers temps de l’Ordre moral et même de la République opportuniste. L’ancien régime avait été plus cruel, il n’avait jamais été ni aussi méticuleux ni aussi absurde, dans sa haine de la liberté d’écrire sous toutes ses formes. Les trois premiers quarts du dix-neuvième siècle, quand on les examinera de près, apparaîtront, par bien des côtés, comme une période assez peu glorieuse. La réaction y est bête. Les classes dirigeantes, et qui le sont vraiment, montrent un esprit étroit, bassement moral, ignorant et frivole. On voit la magistrature de la Restauration ou celle de la Monarchie de Juillet ordonner la destruction de l’Origine de tous les cultes de Dupuis, ouvrage d’une curieuse érudition et même d’une belle science, des Divinités génératrices de Dulaure, livre unique en son genre et dont on a donné récemment une édition scientifique. Motif : outrage aux bonnes mœurs et à la religion ! Ils copient l’Index de Rome, mais en le dépassant ; ils y ajoutent le servilisme politique ; ils condamnent non plus au feu, sans doute, mais au pilon, les Lettres de la princesse palatine, mère du Régent, aïeule de Louis-Philippe ! Les propos sont un peu salés, la bonne princesse dit tout ce qu’elle sait et tout ce qu’elle pense, mais jamais on ne vit plus honnête personne. Quoique mère du maître de la France, elle