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qui les regardent, ceux qui ne les dénoncent pas à l’autorité, tout le monde enfin, excepté les sénateurs et les démocrates chrétiens, tout le monde en prison ! Ainsi, sans doute, on aura la paix et le règne de la « vertu chrétienne », car l’administration pénitentiaire suit la sage coutume de séparer les sexes, ce qui est bien chrétien aussi, comme l’ont prouvé jadis les mœurs romaines, et, de nos jours, les mœurs prussiennes. J’augure que Flamidien et Eulenhourg sont nettement antipornographiques et qu’ils déplorent, avec tous les honnêtes gens, la publicité que des méchants donnent aux scènes de mœurs intimes.

Je ne suis pas sérieux ? Détrompez-vous. Je sais prendre au sérieux ce qui est sérieux, et je vais le prouver en citant un aveu fort curieux de M. Bérenger lui-même. « En résumé, a-t-il dit, la plupart des pays possèdent des moyens légaux d’endiguer la pornographie, mais les difficultés d’application des lois sont multipliées par l’indifférence du public et la trop grande réserve du parquet. » Voilà la morale de ce congrès de moralistes intrépides. Ils luttent, malgré la réserve des magistrats, soucieux de l’opinion contre la profonde indifférence du public. Cette indifférence, qui est réelle, est très facile à expliquer. Le public n’a jamais eu l’idée de protester contre la pornographie, parce qu’elle lui