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des œuvres en même temps que de leur valeur morale ? Mais j’ai l’air de faire de l’ironie et j’expose tout simplement une idée que vient de lancer le Bulletin des libraires. Cette excellente publication ne demande rien moins que le rétablissement de la censure préalable pour les livres, telle, à peu près, qu’elle fonctionna de François Ier à la Révolution. La seule différence entre les deux censures, c’est que la nouvelle serait dirigée par les libraires eux-mêmes, tandis que l’ancienne était régie par l’État et destinée à mater l’audace de ces mêmes libraires. Curieuse, l’idée de cette corporation qui demande à restreindre son commerce ! Voici le projet : « Comme il n’est pas loisible à un libraire d’étudier tout ce qui paraît, je termine par un vœu que je soumets à l’expérience de mes collègues. Ne peut-on arriver à fonder une sorte de comité de lecteurs chargé de nous indiquer, par une liste consciencieusement établie et paraissant périodiquement, les ouvrages qui conviennent à notre clientèle sérieuse, en éliminant les productions douteuses tant au point de vue du style qu’à celui de la morale la plus élémentaire ? » Ce comité de censeurs aura donc des attributions bien plus étendues que les censeurs de l’ancien régime. Il décidera de la beauté du style en même temps que de la pureté de la morale. Bureau redoutable où peut--