Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Brunetière, à un certain moment, fut sans doute de ceux qui crurent que la science allait, non pas rénover, mais raviver la métaphysique, la religion, la morale, qu’elle allait reprendre à son compte le rôle de consolatrice que joue encore, pour quelques bonnes âmes, le christianisme. Au moins, la science, pensaient-ils, allait enfin leur donner, en ce sens ou dans l’autre, des certitudes. Mais la science, cela seul est certain, n’apportait que des négations, et encore ces négations, elle les posait avec un grand air d’indifférence. Alors, il y eut une profonde désillusion, et ceux qui souffraient de leurs doutes se résignèrent à se tourner encore une fois vers les vieilles affirmations traditionnelles. La faillite de la science que proclamait M. Brunetière, c’était une faillite métaphysique.

Quand on a besoin de métaphysique, on a bientôt besoin de religion. La métaphysique est la prémière marche de l’escalier mystique. M. Brunetière le gravit jusqu’en haut et là il put se réjouir d’avoir accompli dans l’ordre spirituel ce qu’il avait toujours travaillé à accomplir dans l’ordre littéraire : il avait renoué la tradition. Il le croyait. Il croyait collaborer à une œuvre de stabilité. Restaurer l’esprit d’autorité dans tous les domaines ; faire comprendre aux hommes qu’il y a au-dessus d’eux une volonté aux ordres de laquelle doivent se sou-