Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/281

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


UN ENNEMI DE PARIS


C’est en 1862, après son retour de Sibérie, où ses idées politiques l’avaient fait reléguer par un gouvernement féroce, que le grand romancier russe, Théodore Dostoievski, entreprit quelques voyages à l’étranger. La Sibérie l’avait beaucoup éprouvé. De plus, marié à une jeune femme d’une santé débile, il voulait chercher pour elle des climats plus doux. On le voit, de 1862 à 1871, à Berlin, à Dresde, à Genève, en Italie, à Paris, et ses lettres, que l’on vient de traduire, nous le montrent inquiet, malade, nerveux, mélancolique, déséquilibré. Atteint d’épilepsie et encore d’une autre maladie pénible, il fait de constantes allusions à ces infirmités qui empoisonnaient sa vie et gâtaient son caractère. Il se trouve mal partout ; presque tout lui déplaît. Ce qui le frappe, c’est la laideur ou le désagrément des choses. Russe fervent, patriote exagéré, il trouve ridicules, bètes ou méchants les autres peuples. Profondément dégoûté de ceux qu’il appelle les ennuyeux Allemands, il